JEANNE ADDED LA SENSATION INFUSE
- magazinemagma
- 9 mai 2016
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 sept. 2019

Jeanne Added, tout d'abord biberonnée à la musique classique, a ensuite chanté pendant une dizaine d’année dans des formations de jazz... jusqu’au jour où elle en a eu marre d’interpréter la musique des autres ! Un besoin impérieux de créer la sienne. Son album Be Sensational réalisé par Dan Levy de The Do, fût la révélation des Transmusicales de Rennes en décembre 2014. S’en suivi une très grosse tournée en 2015. Entre pop électro, post punk et ballades atmosphériques, ce qui frappe d’abord chez elle, c’est sa sincérité, sa sensibilité et l’urgence d'exprimer tout cela. Lors de notre rencontre au Printemps de Bourges, elle nous parle du rythme effréné des concerts, de son disque, de son succès, et de la façon dont elle vit cette aventure. Sur scène, c’est sûr, elle nous a filé la chair de poule. On la retrouve au Silex à Auxerre le 13 mai prochain.
Vous étiez présente à Bourges l’année dernière, vous y êtes encore aujourd’hui, qu’est-ce qui s'est passé entre ces deux Printemps ?
Plein de choses, l’année fut magnifique, et l’aventure continue d’être sublime, très épatante et très étonnante en ce qui me concerne. Tout ça reste très joyeux.
Pourquoi cet étonnement ?
Je ne crois pas avoir la sensation que quoi que ce soit me soit dû. C’est vrai que ça m’épate toujours de vous voir si nombreux dans une pièce ici à Bourges, qu’on nous programme une deuxième fois… Je regarde tout ça avec des yeux d’enfant, j’ai l’impression d’être dans une pâtisserie ou perdue dans un magasin de bonbons depuis plusieurs mois maintenant (rires). Ça me va bien de voir les choses comme ça. Ça me permet de garder un peu de distance et d’être un peu tranquille. J’avoue que j’entretiens un peu cette sensation...
Au Fnac live en juillet dernier, vous disiez que le rythme des concerts était très intense. Avez-vous pris le temps de souffler ?
Oui, ça s’est un peu calmé. On a eu neuf mois, d’avril à décembre, très très intenses, janvier était aussi pas mal, et là, on revient à un rythme un peu plus humain.
Il y a un classement qui vous désigne parmi les artistes français les plus programmés en 2016 sur les festivals. On ne peut pas dire que le rythme ralentisse!
Oui, on a un gros mois de juillet. Mais on arrive de très loin, donc si, ça ralentit.
Comment vous le vivez?
C’est bien que ça ralentisse parce que comme je dis souvent je n’ai plus 20 ans. C’est bien que ça se calme avant d’en avoir un peu marre. C’est pas mon but dans la vie. J’ai envie de continuer à prendre beaucoup de plaisir à tout ce que je fais. D’autant que ça se passe très bien ! J’essaie de protéger ça et je crois que tout le monde est d’accord : ça ralentit au bon moment et jusqu’à présent tout roule.
Vous avez déjà dit que c’était un besoin physique de faire cet album, est-ce que la réalisation du disque et son succès vous ont apaisé?
Le fait de l’avoir terminé oui ça c’est évident. Le succès c’est très agréable évidemment, je ne vais pas mentir ça fait du bien, ça rassure. Mais je ne mesure pas encore les effets profonds que ça peut avoir sur moi, parce que c’est tout nouveau. C’est sûr que ça en aura et que ça en a. On est fait de chair et d’os et c’est normal que ça imprègne, que ça imprime, que ça infuse. Après, le fait d’avoir terminé l’album, en soi, c’était déjà quelque chose d’énorme. J'aurai sûrement plus de choses à en dire un peu plus tard…
Qu’est-ce que vous retenez de vos précédents projets musicaux?
D’abord j’ai jamais fait quoi que ce soit sous mon nom avant celui-là. J’ai appris des gens avec qui j’ai travaillé. Quand je travaillais pour d’autres je me disais parfois : « J’aurais pas fait les choses comme ça ! ». J’ai pris quelques notes de cet ordre-là. Ça m’a appris ce que c'est d' impliquer et de solliciter d’autres musiciens pour leur faire jouer sa musique. Et j’ai envie que ça se passe bien, que les gens qui jouent avec moi soient contents et qu’ils soient heureux d’être sur scène avec moi.
Sur scène, depuis les premiers concerts et jusqu’à maintenant, il y a eu une évolution ?
Oui une grande évolution. D’ailleurs je trouve ça complètement fou à quel point ça a bougé musicalement depuis les Transmusicales il y a un an et demi. L’équipe à bougé. On était 3 au début on est 4 aujourd’hui. On n'a plus le même batteur. Maintenant c’est Emiliano Touré à la batterie. Marielle Chatain, qui jouait dans The Do et avec qui j’ai tourné pendant un an et demi les prémices de ces chansons-là, nous a rejoint. Il y a encore Narumi Hérisson au clavier. Donc oui ça a beaucoup bougé. Et même depuis janvier quand on a commencé à jouer sous cette formule-là, ça continue de bouger. C’est ça qui est fabuleux quand on joue aussi régulièrement que nous, c’est que la musique continue d’avancer, on va de plus en plus loin à chaque fois.
En tournée vous trouvez le temps d’écrire ?
Non, c’est difficile, peut-être que ça va évoluer. Les premiers mois on était très très concentré sur la musique. Beaucoup de choses très nouvelles, les premiers festivals d’été, la tournée, le camion, bref… Beaucoup de choses que je découvrais, parce qu’en jazz c’est beaucoup de « one shot », on va faire une date et on rentre. Il n’y a pas de tournée qui s’organise comme ça. J’étais beaucoup dans la découverte. C’est un peu moins vrai en ce moment, donc ça laisse la place à la lecture, à l’écoute de la musique et éventuellement à l'écriture...
Hier, lors de la soirée de création à l’occasion des 40 ans du Printemps de Bourges à laquelle de nombreux artistes ont participé, vous avez fait une reprise remarquée de Patty Smith. Est-ce que vous avez des artistes qui sont des références musicales?
Oui, je le cite souvent, mais plusieurs fois il m’a secouru, c’est Prince (NDLR : propos recueillis une semaine avent sa disparition). Quelqu’un qui fait partie de ma vie depuis très longtemps. Même si j’ai quasiment pas écouté sa musique pendant des années, mais ça reste une figure, quelqu’un qui a une façon d’envisager la scène et les concerts, le partage avec le public qui me touche beaucoup. Je me suis retrouvée à dire sur scène des choses qu’il disait, et je m’en suis rendu compte en réécoutant un live auquel j’avais assisté au Stade De France dans un enregistrement complément illégal à la maison. C’est quelqu’un qui me touche beaucoup, qui me remet dans le droit chemin et qui me sert d’étoile du Nord depuis longtemps.
La collaboration avec Dan Levy ? (Du groupe The Do, qui a réalisé l’album Be Sensational)
Sur le disque ça a été capital. Je pense sincèrement que ça n’aurait pas pu être quelqu’un d’autre. C’était la personne parfaite pour faire ce disque-là, le faire avec la personne que j’étais à ce moment-là. Ça a été une expérience intense, parfois difficile et compliquée, mais aussi pleine de joie et de grand bonheur. Ça a apporté énormément.
Le jazz vous a nourri musicalement pendant longtemps. Quelles relations vous avez encore avec cette musique ?
Je dis souvent que j’en referai quand je serai vieille avec un orchestre symphonique arrangé par Vince Mendoza : je ferai comme Joni Mitchell, si un jour on me laisse faire un truc pareil. Mais pour le moment comme j’en fais plus, j’en écoute à nouveau.
Photo et texte : Brice Vanel
Pour en savoir plus : www.jeanneadded.com
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