PHILIPPE MENARD, UN HORIZON COLLECTIF...
- magazinemagma
- 10 janv. 2017
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 sept. 2019
Autre pièce dans le paysage du Festival Art Danse, l'Horizon de Philippe Ménard se dessine peu à peu à la Scène Nationale de Mâcon où la pièce se jouera le 31 janvier prochain. Une démarche où l'on recherche le pouls, la première vibration, le premier mouvement, où le corps s'articule comme par magie entre ciel et terre. Bref, un retour à l'essentiel tendu sur un fil, secoué par une onde, entre la vie et la mort !
Rencontre avec le chorégraphe Philippe Ménard.

Philippe Ménard, vous travaillez actuellement sur votre dernière création à la Scène Nationale de Mâcon. De quoi s'agit-il ?
Le point de départ de mon travail a été l'horizon dans ce qu'il comporte de complètement paradoxal, c'est à dire quelque chose qui stabilise, qui borne l'espace et qui nous permet de nous positionner dans l'univers entre ciel et terre et en même temps quelque chose qui ouvre sur l'inconnu, sur les rêves, les phantasmes et la possibilité de se mettre en mouvement. Tout à coup est réuni dans cette ligne un paradoxe qui me permet de tenir debout et de continuer à aller de l'avant ! Je me suis rendu compte que depuis 10 ans toutes mes pièces ne font que chercher l'équilibre entre contrainte et liberté, rires et larmes, la danse virtuose et l'immobilité… J'ai l'impression que tout mon parcours se résume dans cette ligne là. Et puis, en cherchant un peu plus loin, j'ai découvert le concept de Romain Rolland qu'il développait dans une correspondance avec Freud : « le sentiment océanique » ! Une façon soudaine de ressentir le monde dans sa globalité, de faire partie d'un tout comme la vague à l'océan.
Comment travaillez-vous cette thématique ?
Je me suis attelé à cette pièce en cherchant comment je pouvais travailler sur ce rapport micro/macro, avec l'intime et l'espace. J'ai essayé de modeler l'espace, de l'englober, de créer des liens invisibles entre nous les danseurs, le musicien, la chanteuse et l'univers. J'ai cherché à façonner l'espace, à le saisir, de manière à provoquer une répétition, un flux et un reflux, un ressac, rechercher à l'intérieur, recreuser... Cela crée à la fin une espèce de vibration. Mon idée était d'aller chercher ce point culminant dans cette vibration qui s'acharne à essayer de garder le vivant ! J'essaie de garder une respiration, de garder un cœur qui bat… Mon urgence dans cette pièce était de tenir ça jusqu'au moment culminent, ce moment un peu onirique, ce flux tendu que j'essaie de créer avec la musique mais il y a aussi cette idée de course face à cet encéphalogramme plat, face à la mort...
Pourquoi cette intention ?
Mon idée était de retrouver du collectif, d’essayer d'enlever des personnages et de les utiliser plus comme des particules, des constellations, de nous redimensionner comme des particules au milieu de ce système solaire, de créer quelque chose de collectif… On est tous identiques, tout petits entre ciel et terre alors on se calme, on se réfugie tous dans cet endroit un peu sensible, primaire, presqu'animal : être humble face à l'univers et faire fi de la religion, de la politique, de toutes ces choses qui nous étouffent…
On est dans quelque chose de l'ordre du contemplatif ?
Plutôt du sensible pour l'instant, j'ai beaucoup plus développé le côté animal, bestial… Je suis allé chercher ce rapport entre ciel et terre, je me suis surtout attaché à cela mais c'est vrai qu'à l'évocation du titre de cette pièce on me parle souvent de « contemplation » ! Nous sommes dans la création, je ne peux donc pas en livrer davantage. Pour l'instant, je suis plus dans la recherche d'une sensation organique d'être humain primaire, d'une mystique sauvage.
Comment cela s'imagine au niveau de la scénographie ? D'ailleurs est-ce à votre sens exacerbé du détail en rapport avec ce « sentiment océanique » ou au fruit du hasard que nous devons la présence dans votre pièce d'Ory Minie, la chanteuse jazz originaire de Bora Bora ?
Oui, c'est vrai ! On en a beaucoup ri aujourd'hui mais même si Ory pourrait porter cette culture là, il n'y a rien de ça du tout, on est sur une toute autre couleur. Ce n'est pas la première fois que je travaille avec elle, on peut même parler de collaboration. Mais la bande son ici est quand même largement électro ! La fusion avec cette voix jazz, grave, organique, donne une onde sonore continue faite d’infrabasses et de respiration vocale et on assiste ensuite à une lente ascension qui réunit les beats, les respirations, les cris jusqu'à la transe… Puis, un relâchement et une ligne sonore proche de la mort, un horizon ultime ! La scénographie propose quant à elle un espace vide, sombre dans lequel nous allons faire apparaître un astre sous forme d'une grosse boule à facettes. L'espace se remplira peu à peu d'une constellation avec au fond cet horizon comme point d'ancrage et de vide.
Vous dîtes : « Pour l'instant »... Cela signifie-t-il que vous allez explorer d'autres pistes ?
Comme je vous le disais, on est en pleine création, alors pour le moment on est tous les quatre sur une même intention, on essaie de créer, de trouver une partition commune, un horizon collectif, sensible et primaire. Dans le « sentiment océanique », on peut trouver aussi des notions de mort imminente, de drogue, de chamanisme… Autant de possible mais ce n'est pas une danse de la tête, une danse cérébrale, c'est une danse venue du ventre…
Propos recueillis par Jérôme Gaillard
le 31 janvier à la Scène Nationale de Mâcon dans le cadre du Festival Art Danse : www.theatre-macon.com et www.art-danse.org
Bric Vanel
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