LES FATALS PICARDS, CONFESSION DE FOI !
- magazinemagma
- 5 mars 2018
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 sept. 2019
Si les Fatals ont déjà 20 ans, leur verve n'a pas pris une ride et les mecs en ont encore sous les pieds. Non, ce n'est plus une rumeur, les FP ont un don certain pour retourner les salles avec leur set à l'humour corrosif et cette expérience ne laisse personne indemne. Prochaine étape dans leur campagne : la nouvelle Vapeur ! Tremble Dijon…
Magma a rencontré le guitariste loufoque du groupe pour évoquer la politique, le crowfunding, les superstitions, la numérologie et un petit peu la musique aussi… Entretien très sérieux avec Laurent Honel.

Vous vous proclamez « punk pour les nuls », vous n'êtes pas attirés aujourd'hui, à l'instar de la mouvance nationale par en Marche ? Start-Up Nation, ça vous parle ?
Non, ça n’est pas prévu ! Nous sommes fidèles à nos opinions. Après, le discours d'Emmanuel Macron, le self-made-man, etc. Nous sommes en plein dedans parce que nous sommes indépendants et vivons dans un monde qui est plus ou moins celui des gens qui ont pu voter pour Macron... En revanche, notre vision de l'humain ne nous place pas tout à fait dans la même case que lui ...
On vous dit « artistes engagés ». L'engagement vous a-t-il déjà porté préjudice ?
Il y a forcément des gens qui ne vont pas se sentir en phase avec le message que nous distillons dans nos chansons. Je pense globalement qu’- à part les gens qui ne nous connaissent pas trop et qui nous prennent pour de dangereux gauchistes - ça ne doit pas trop déranger. On trouve nos chansons dans des manifs de gauche et nous en sommes assez fiers. Nous ne pensons pas vraiment à la réception. Nous abordons des sujets qui touchent tout le monde : les violences faites aux femmes, la pédophilie, l'homophobie. Ce sont des sujets transversaux qui transcendent les clivages politiques traditionnels. Pour le coup, nous sommes peut-être « macroniens » de ce point de vue-là ; on peut avoir une sensibilité de gauche et considérer que la gauche - ou la droite – n’est pas une affaire de partis mais plus une affaire de personne.
C'est plus facile de dire des choses quand on le fait sur le ton de l'humour ?
Lorsque c'est au premier degré, ce n’est pas toujours facile à exploiter. Il est vrai que l'humour est une façon de toujours décaler le propos. Quand nous chantons « Tais-toi et creuse » où nous parlons de la mort des travailleurs népalais sur les chantiers de construction des sites de la Coupe du Monde au Qatar, nous en avons fait une chanson ironique tant sur le plan des paroles que de la mélodie. C'est une manière d'interpeller les gens sur un sujet grave, et je trouve que cela est peut-être plus fort que d'y aller frontalement. L’humour arrive sans doute à revitaliser un sujet qui, au premier degré, passerait inaperçu et puis cela offre la possibilité de formules rapides et décalées, on gagne du temps pour délivrer un message qui a autant de profondeur. L'humour, c'est notre grille de lecture naturelle !
Le 6 avril vous jouerez à Dijon à la Vapeur, ce sera votre 1242e concert. Vous qui aimez la précision des chiffres, que représente pour vous celui-là ?
C’est très simple : celui de la justice ! Lorsque je tape « 1240 » dans le Code civil, voici l’essence de l’article : « Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Ce sera donc le concert de la justice à la Vapeur.
Cette date coïncidera aussi avec le jour de clôture de votre financement participatif pour votre prochain album. Vous allez sabrer le Champagne à la Vap'?
Si c'est une réussite, il se pourrait que nous sabrions le Champagne... Après, ça va être mal interprété, les gens vont dire : « Ah bah, super ! Avec nos thunes, ils achètent du Champagne... » Mais je pense que nous fêterons ça dignement, oui. Nous remercierons ceux qui nous ont permis de poursuivre notre épopée.
Est-ce-que vous avez des petits rituels avant de rentrer sur scène ? Des grigris, des positions, de la bouffe particulière ?
On fait des trucs un peu étranges. On se fait des bisous, on se touche, on se palpe. On vérifie l'intégrité de nos anatomies respectives et des fois, on met la langue !
La loi Hadopi va évoluer, elle imagine une évolution de la riposte graduée. Vous vous disiez dans les années 2000 « Si vous gravez mes CD c'est comme si vous tuiez des bébés chats ». Nous n’en sommes plus à graver des CD illégalement mais on tue toujours autant de bébés chats. Quel est votre avis sur la question aujourd'hui ?
Le piratage nous a beaucoup servis au début du groupe avec les premières plateformes, les gens ont partagé nos albums et sont venus nous voir sur scène. Nous n'avons jamais condamné le piratage. Ce que nous regrettons en revanche, ce sont les gens qui se procurent tout de manière gratuite alors qu'ils ont les moyens de les acheter. Pis, avec la légalisation du streaming, Deezer et compagnie, nous nous retrouvons avec un public qui a légalement accès à la musique mais cela ne nous rapporte pratiquement plus rien. Nous sommes dans un système qui nous a aidés mais qui était illégal, et un système qui est légal mais qui financièrement fait du tort par rapport aux disques. Après, lorsque nous étions chez Warner, quand un disque était vendu 15 euros, nous récupérions 1 euro maximum. Piratage ou pas, il y a déjà un prélèvement à la source important. C'est très complexe comme sujet.
Justement, vous vous autoproduisez depuis vos déboires avec la Warner. Le dernier album a été financé en crowdfunding. Est-ce une façon de conserver votre liberté de création intacte ?
Sur le prochain album, cela va nous permettre effectivement d'avoir des finances-scènes pendant 2/3 ans au sein du label et ça, ça n'a pas de prix. Nous n’avons pas beaucoup d'avance de trésorerie et le fait d'avoir un album déjà financé avant sa réalisation, c'est vraiment exceptionnel. Après, ce qu'on a découvert avec ce financement participatif, c'est l'impact que ça avait sur notre créativité à travers les contreparties et les relations que cela crée avec notre public. L'idée nous éclate de faire des ateliers avec les participants, que ça soit les ateliers guitare ou dégustation de bières. Il va y avoir un vinyle et des cassettes que nous n’aurions pas faits autrement. Ça rejoint la discussion précédente : effectivement, nous produisons une œuvre palpable qui ne peut pas être piratée. Ces choses-là contribuent à faire de l'album un objet unique et pluriel.
Quelques mots sur le 9e album ?
Chacun de nous trouve des idées dans son coin et comme nous passons beaucoup de temps sur la route, nous avons tout loisir d’en discuter. Nous sommes en phase 2 et avons encore pas mal de thématiques qui émergent. Nous sommes plutôt contents et nous nous rendons compte que nous ne sommes pas à sec en termes d'envies ou de sujets à aborder. Par exemple, nous allons sûrement faire une chanson sur l'affaire Lafarge en Syrie et puis, hier soir, Paul et moi avons planché sur une composition autour de Kim Jong-un.
Propos recueillis par Oriane Marty
plus d'info sur : http://www.fatalspicards.com
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