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EL CIUDADANO (Le Citoyen), LA CONSCIENCE EVEILLEE DU CHILI

  • magazinemagma
  • 8 sept. 2014
  • 5 min de lecture

¡ Communiquer ! C’est sans doute un exercice que nous devrions réapprendre ou apprendre différemment… Il faut savoir que dans certains pays, à l’autre bout du monde, la communication n’est plus simplement le monopole de médias au service d’une élite industrielle ou d’un organe décisionnaire mais l’arme puissante d’un peuple auparavant baillonné qui a décidé de se faire entendre en usant de son droit à s’exprimer pour rester, un tant soit peu, maître de son destin. Porte-parole de cette expression, El Ciudadano, incarné par son directeur et fondateur Bruno Sommer, revient pour nous sur l’histoire d’une prise de conscience citoyenne.

MB : Comment est né El Ciudadano ?

El Ciudadano est né d’une préoccupation personnelle et politique pour une transformation sociale par la communication. L’idée étant de rendre les gens et les organisations sociales acteurs de ce changement à travers un outil de communication sociale : El Ciudadano. Bientôt des collègues nous ont rejoints et le journal est devenu au fil du temps le deuxième moyen de communication de l’histoire du Chili. Bien que né en région, le journal a rapidement trouvé une diffusion nationale et, en se rendant disponible sur des lieux stratégiques, des lieux de prise de décision tels que Santiago ou Valparaiso (Le Chili étant un pays très centraliste), nous avons gagné en influence. Contrairement à la plupart des médias au Chili, nous n’avons ni le soutien d’un parti politique ni d’un groupe économique ou religieux, nous sommes tout simplement le média des mouvements sociaux dans le pays.

MB : Vous faites partie de la « Red de Medios de los Pueblos ». Pouvez-vous nous parler de cette organisation ?

Nous sommes les fondateurs et promoteurs de cette structure qui réunit différents moyens de communication : imprimés, web, tv et radio. La RMP (Le Réseau des médias des Peuples) a pour but de créer un espace d’information collectif entre les différents médias où nous apprenons les uns des autres et partageons du contenu journalistique. Ce réseau est une réponse au blocus hégémonique imposé par le mass média capitaliste. Nous nous trouvons à la fois dans la défense du droit à l’information et à la communication et dans l’impulsion d’une nouvelle loi sur les médias dans le pays.

MB : El Ciudadano, c’est plus qu’un journal, c’est un parti pris ! Quels sont les combats que vous avez menés ? Vos victoires?

Gagner notre place sur la scène des grands médias du pays fut notre principale bataille. Se retrouver dans les kiosques et fidéliser les lecteurs nous a permis d’opérer et d’améliorer notre travail journalistique. Nous avons consolidé la diffusion nationale du support papier puis, peu à peu, amélioré notre site internet qui est en constants progrès. Désormais, El Ciudadano est le troisième média le plus puissant du pays sur les réseaux sociaux, devant les médias historiques nationaux qui ont, de loin, beaucoup plus de ressources. L’aventure du journal et les combats que nous avons menés avec les mouvements sociaux sont nos victoires. Conjointement, nous avons placé dans le débat public des sujets importants tels que ceux pour une éducation gratuite et de qualité ou celui sur la nécessité d’une assemblée constituante et d’une nouvelle constitution pour mettre fin à l’héritage émanant d’une dictature…

MB : Existe-t-il une défiance de l’Amérique Latine vis-à-vis des Etats Unis ou au contraire une certaine fascination ? Vous publiez sur votre site, par exemple, un article décrivant une théorie sur la mort d’Hugo Chavez signé d’Eva Golinger ou encore un papier (RT) parlant de la proposition de Ann Coulter pour stopper l’émigration mexicaine vers les EU…

Je pense que la frustration n’a jamais été aussi importante face à la promesse de démocratie. Je crois que nous sommes fatigués d’être l’arrière cour des Etats-Unis et de l’Union Européenne et pour qui connait un peu la réalité géopolitique, on peut remarquer qu’il y a un processus de néo-colonisation par les grandes puissances là où le socialisme, les questions d’identités et de territoires ne leur conviennent pas. Nous vivons dans une société dominée par l’intérêt de ceux qui contrôlent le capital, dirigent aussi la plupart des médias. Ils peuvent ainsi instrumentaliser une vérité selon leur volonté. Soulever un doute, avoir un autre point de vue, une opinion contraire, ou faire de la résistance apparait alors comme du terrorisme !

La méfiance générée par les EU dans le monde est la conséquence de sa propre politique étrangère où le « soft power » révèle peu à peu son vrai visage. Ses désirs impérialistes ne sont pas morts, loin sans faux !

MB : Suite aux sanctions internationales contre la Russie, le rapprochement (commercial dans un premier temps) de l’Amérique latine et de la Russie n’est-il pas à craindre pour les EU ?

Les EU n’aiment pas trop l’idée que nous puissions nous associer avec les pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Ils ont besoin d’une économie réelle pour soutenir leur propre économie et les ressources naturelles sont ici ! La collaboration entre Amérique Latine et BRICS peut avoir un coût inattendu pour l’économie anglo-saxonne.

Mais après des années d’extraction, avoir été le seul exportateur de matières premières à causé de forts dommages à notre environnement. Ce que nous voulons désormais, c’est établir un nouveau traité où les choses seraient plus équilibrées au moment d’établir des relations culturelles et économiques. Et plus qu’aux Etats-Unis, aujourd’hui, nous devons faire attention aux grandes corporations et aux façons d’agir d’une élite transnationale anarchocapitaliste qui est capable de tout pour accroitre sa puissance.

MB : Michelle Bachelet (qui a de lointaines origines bourguignonnes) a été réélue au Chili cette année. Est-ce une bonne chose pour l’égalité dans votre pays ?

C’est évidemment quelque chose que nous allons suivre. Son premier mandat a été le « meilleur » des 4 gouvernements de la coalition mais il y a encore beaucoup de retard dans l’action sociale. Elle est arrivée au pouvoir avec un programme qui déplace légèrement à gauche l’action politique. Son premier défi sera d’investir sa majorité sur le programme qui l’a portée à l’élection. Elle devra ensuite chercher l’appui social de la rue pour faire aboutir son programme sans pactiser avec la droite. Son défi, enfin, sera de faire que les changements s’opèrent de manière participative et non en portes closes.

Si elle a suffisamment de courage elle pourrait faire du Chili un pays plus démocratique, plus diversifié, plus égalitaire, plus fraternel… Un pays meilleur !

MB : Avec bientôt dix ans d’activité, le visage du Chili a-t-il évolué grâce à votre travail ? Quelle est l’importance d’un média comme le vôtre en Amérique Latine ?

Ce que nous faisons, c’est simplement relater ou montrer au monde des événements d’un point de vue libertaire. Nous voyons la communication, l’information comme des outils au service de la transformation sociale des peuples du Chili et de l’Amérique Latine. Nous croyons qu’avec notre travail et celui des autres médias « frères » du continent, nous participons à la création d’une plus grande prise de conscience de notre droit à l’autodétermination dans les domaines économiques, sociaux et politiques, même si le chemin est encore long..

L’affrontement est inégal, nous sommes plusieurs David contre un Goliath blindé, mais nous sommes convaincus qu’avec la communication et une action directe de toute part, nous arriverons à faire comprendre qu’un changement solide ne peut être construit que du bas vers le haut, que du local au global et uniquement de la main de l’ensemble des citoyens.

Propos recueillis par Jérôme Gaillard,

Traduction de l’Espagnol par Guillermo Gómez et Jérôme Gaillard

 
 
 

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