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SÉVERINE COLIN, DANS L'INTIMITÉ MONGOLE

  • magazinemagma
  • 25 juil. 2014
  • 6 min de lecture

Il y a différentes façons d’entrevoir le voyage : celle du touriste, le regard plongé dans l’œilleton de son caméscope en passant-spectateur, et puis, il y a l’autre pendant, celui qui consiste à s’imprégner de la culture locale en s’ouvrant à la rencontre. Rompue au « couchsurfing », Séverine a voulu aller plus loin cette fois, attirée depuis toujours par le voyage « humanitaire » (même si elle n’aime pas le mot) et par l’Asie. A 40 ans, la decizoise a franchi le pas : direction Uyanga (Mongolie) à deux jours de piste d'Oulan-Bator, la capitale…

MB : Séverine, tu es partie en Mongolie avec l’association APAU* en avril dernier, quel était l’objectif de ce voyage ?

La mission première était d’apporter un soutien éducatif à l’enfance en difficulté dans le sum d’Uyanga mais aussi d’intervenir auprès des femmes en souffrance (violences conjugales, viols…) et des personnes âgées isolées.Nous avons, mes collègues et moi-même (Catherine BOUCHERE, éducatrice spécialisée -

Marie-Odile DUTECH, infirmière - Laetitia Lemoine, infirmière - Séverine Colin, enseignante et correctrice pour Magma) animé une yourte qui accueillait des enfants handicapés et, par le biais d’ateliers, accompagné ces enfants, leurs familles, le personnel soignant du dispensaire afin de mieux les informer sur les différents types d’handicaps et les gestes, actions, activités à mettre en place. Rien n’est fait, n’est pensé pour eux en Mongolie et ces parents qui sont complètement démunis se voient souvent contraints de les attacher dans leur yourte pendant qu’ils s’absentent pour travailler. Notre but était donc de faire comprendre aux familles, aux autorités, que ces enfants, malgré leur différence, étaient des individus à part entière et qu’il était indispensable et possible de les sociabiliser.

Cette yourte a également servi de point d’accueil aux femmes battues, abusées, aux personnes isolées, âgées afin qu’elles puissent échanger, parler et réaliser que l’échange, pouvait panser bien des maux. En plus de ces temps de paroles, nous y avons mené des ateliers de relaxation, de massages et montrer que le contact pouvait être source de bien-être et pas forcément de souffrance…

Nous sommes également intervenus auprès des adolescents dans leur classe pour aborder la question de la sexualité qui est un sujet tabou dans leur culture et auprès des populations nomades pour une présentation des gestes de premiers secours, indispensables à connaître quand le dispensaire est à plus d’une journée de cheval ou de moto !

Penses-tu avoir mené à bien cette mission ou aurais tu eu besoin d’un plus de temps ?

Tous les ans une équipe missionnée par APAU part en Mongolie et fait le point sur les résultats de la mission précédente. Il faut donc être patient ! Je reste confiante car des sourires, des gestes en disent parfois bien plus que des mots et je suis certaine que le message a été entendu par la plupart. Mais, il est vrai, que plus de temps aurait permis d’atteindre un plus grand nombre de personnes car indispensable pour gagner la confiance d’une population aussi réservée et timide.

Mais notre action ne s’arrête pas au voyage, par exemple, nous sommes en train d’étudier la possibilité d’un envoi de conteneur chargé de matériel de rééducation (béquilles, barres parallèles, fauteuils roulants…) pour les personnes handicapées car nous n’avons rien pu acheter là-bas puisque ce matériel n’y existe pas ! Les personnes âgées n’ont même pas de canne pour se déplacer et ne peuvent s’en fabriquer pour la simple raison qu’il n’y a pas de bois car pas d’arbres dans cette région de la Mongolie. Même avec les poches pleines de billets on est vite démuni dans un tel pays qui nous rappelle l’inutilité de l’argent qui est loin d’être essentiel. D’ailleurs, je profite de Magma pour lancer un appel, si vous avez la possibilité de donner du matériel paramédical et pourquoi pas de nous faire une petite place dans un conteneur nous sommes preneurs (coordonnées de l’association en bas de page)

Souvent, quand on part pour ce genre de destination, on subit un choc : culture différente, paysages inattendus, confort relatif… Quels ont été les moments les plus difficiles pour toi, les plus comiques aussi ?

L’immensité des paysages vous écrase et vous rappelle combien vous êtes petits. La Mongolie est une vraie invitation à l’humilité où la nature reprend tous ses droits sur l’homme et ça peut déstabiliser. La steppe, baignée dans une nuit d’étoiles, à 3000m d’altitude avec la lune comme seule lanterne est le plus beau jardin du monde dont le souvenir m’émeut encore aujourd’hui. Sinon, en plus anecdotique, je peux citer l’amusement des enfants lorsqu’ils nous voyaient et qui nous appelaient « les longs nez », ce besoin systématique de venir toucher mon piercing à l’œil aussi, c’est une pratique qui n’existe pas du tout chez eux et qui les intriguait beaucoup. Quant au repas, très gras, ils ne sont pas toujours digestes et les petites pastilles « maison » de lait fermenté ne vous aideront pas mais vous garantiront une haleine de fennec pour la journée (rires)!

Pour finir…et plus sérieusement, le manque d’hygiène, d’intimité, l’absence d’eau courante, les toilettes communes et ouvertes peuvent peser au bout d’un certain temps même si on n’est pas une inconditionnelle du grand confort.

Leur rapport aux animaux peut surprendre, déstabiliser également. Ces derniers doivent rester semi-sauvages afin de garder leur instinct naturel de survie (et oui, les loups et les lynx font partie du paysage mongol !) donc une certaine distance faisant penser parfois à de l’indifférence est instaurée. Et puis, pour les Mongols, domestiquer un animal c’est vouloir le dominer donc…

MB : Personnellement, c’était quelque chose d’important, tu voulais te prouver quelque chose, à toi, aux autres ?

C’est quelque chose que j’ai toujours eu en moi, j’attendais juste l’opportunité qui me permettrait de voyager comme je l’entends, c’est-à-dire s’oublier un peu pour mieux s’imprégner d’un pays, de ses habitants, de ce qu’ils vivent. Je n’avais rien à prouver mais juste à vivre mon rêve et à me montrer patiente.

Y a-t-il un déficit dans l’engagement humanitaire ? Sinon, quelles sont principalement les raisons de l’engagement ?

Je n’aime pas dire que je suis partie en « mission humanitaire » car les mongols m’ont apporté bien plus que je n’ai pu le faire moi-même, et puis, je trouve prétentieuse cette image de l’occidental sauveur et détenteur de vérité. Je préfère le terme de « partenariat » car c’est véritablement une histoire d’échanges où tout le monde append de l’autre. Pour moi, une seule raison justifie, explique cette forme d’engagement : l’amour des gens !

Sans famille, si tu avais eu la possibilité d’y rester, tu l’aurais fait ?

Je ne pense pas… La barrière de la langue est infranchissable. La population ne parle que le mongol, c’est donc difficile d’établir une vraie communication, de vraies relations qui sont indispensables pour que je me sente bien dans un lieu, avec des gens. Mais y retourner régulièrement, c’est une évidence. La Mongolie est un joyau d’authenticité dont l’éclat, la pureté manquent rapidement…surtout dans le modèle de société dans lequel nous vivons.

Tu conseillerais la Mongolie à des voyageurs aventureux ?

Oui, mais uniquement à ceux qui sont à la recherche d’authenticité, les amoureux de la nature, de beaux paysages qui ne recherchent ni confort ni sécurité. La vie, le climat sont rudes, on manque de tout et c’est un voyage dans le temps que nous offre la Mongolie auquel il faut se préparer : pas d’hôtels 5 étoiles, pas de visites touristiques en bus climatisés ou à dos de Yack… Et puis, il faut être ouvert au bouddhisme et à l’animisme qui orchestrent tout le quotidien des Mongols, rythment leur vie, façonnent les paysages.

Quant aux végétariens… S’abstenir !!! Pas ou très peu de légumes et de fruits, les plats ne se composent que de viande (yack, dromadaire, mouton) et en tant qu’invités, tout le gras vous sera réservé et en refusant vous risquez d’offusquer vos hôtes !

Propos recueillis par Jérôme Gaillard

*APAU : Association Pays d'Allier Uvurkhangaï

Saint Laurent

13 rue de la Ferté - 03500 CHATEL-DE-NEUVRE

Tél. : 04 70 42 07 21 / desvignd@club-internet.fr

(L’association est à la recherche d'un kiné ou d'un ergothérapeute pour partir en Avril. Pour participer aux missions, il faut être qualifié dans les secteurs ciblés de la mission. Les frais sont pris en charge par l'association, les participants doivent néanmoins s'acquitter de leur billet d'avion et du visa.)

2015 sera l’année du 50ème anniversaire de l’amitié franco mongole

Ambassade de Mongolie : 5, Avenue Robert Schuman 92100 Boulogne Billancourt

Tel: 01 46 05 28 12 / www.ambassademongolie.fr

 
 
 

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