MARIE GILLAIN, LA DIVINE COMEDIENNE
- magazinemagma
- 3 nov. 2015
- 5 min de lecture

"Incarner la femme de 40 ans dans toute sa splendeur qui veut prouver que les actrices de cet âge sont encore appétissantes... je m'en fous complètement ! "
On n’attendait pas Marie Gillain dans un rôle aussi charismatique et périlleux que celui de Vanda Jordan dans La Vénus à la Fourrure et pourtant... la critique est unanime, elle y est majestueuse !
On l'a connue presque enfant dans Mon Père ce héros aux côtés de Depardieu, on la retrouve femme fatale dans cette pièce de David Ives, d'après le roman de Leopold von Sacher-Masoch (1870) où l'on découvre l'éventail de son jeu, son humour et son talent !
Rencontre avec une dominatrice
2015 aura été l’année Marie Gillain ! Entre le magazine Lui et la Vénus à la Fourrure, on ne parle plus que de vous… C'est un tournant important dans votre carrière ?
La Vénus à la Fourrure, oui, c'est quelque chose de vraiment important pour moi. Ce qu’on a vécu avec Jérémie Lippmann, le metteur en scène, avec Nicolas Briançon, mon compagnon de jeu, et toute l'équipe, fait partie de ces aventures artistiques et humaines qui marquent un parcours de comédien. Quant à Lui, cette couverture est vraiment secondaire. J’ai accepté de faire ces photos parce que je jouais ce personnage de femme un petit peu absolue, totalement libre et libérée de tout complexe, c'était juste un joli clin d'œil mais ça s'arrête là.
Que raconte cette pièce?
Un metteur en scène est habité de façon tellement forte par l'œuvre de Sacher-Masoch qu'il décide de monter sa pièce et il se met en quête d'une actrice qu'il ne trouve pas jusqu'à ce que Vanda vienne à lui. Elle est un personnage très multiple car elle est à la fois l'actrice un peu vulgaire débarquant pour l'audition mais aussi, l'image de Vénus et d'Aphrodite qui dépasse l'humanité de son personnage. Elle vient aussi punir ce metteur en scène et l'interroger sur qui il est profondément, sur les vraies raisons qui l’ont poussé à monter cette pièce… Elle le met à nu ! Lui, ira au bout du dilemme pulsionnel qui l'habite. C'est à la fois une démarche très intellectuelle et purement physique et organique. Une mise en abîme aussi puisque ensemble ils vont revisiter la pièce, se mettre à jouer les personnages. Plus ils explorent la pièce et plus Vanda l'emmène, comme une accoucheuse, à réaliser son phantasme, tout en vengeant son sexe et en punissant son attitude envers les actrices, les femmes…
Entre le costume de comtesse royale et celui de maîtresse SM, vous sentez-vous toujours à votre aise sur scène ?
Quand on aborde un personnage, il y a des étapes de travail. C'est évident qu'aujourd'hui je me sens à l'aise parce que cela fait six mois que je joue la pièce, on a énormément travaillé pour arriver à ce niveau de liberté, de lâché prise. J'étais loin d'être à l'aise au début des répétitions mais les tenues que je porte dans la pièce sont vraiment des costumes de scène, alors même en femme dominatrice, je ne me sens pas nue sur scène. Mais il est vrai que ça m'a forcée à faire abstraction du regard des autres et à oublier mes petits complexes personnels.
Comment s'est passée votre collaboration avec Briançon ?
Il a mis sa casquette de metteur en scène totalement de côté et il a vraiment joué le jeu avec beaucoup d'intelligence, avec une grande ouverture d'esprit parce que ce n’est pas évident de jouer un personnage qui s'en prend plein la figure (rires). On est tout de suite devenu des bons camarades de jeu et on l'est toujours aujourd'hui grâce à une grande connivence et un respect mutuel.
Souvent les comédiens sont rangés par registre et il est difficile d'en sortir mais avec cette pièce vous vous offrez une panoplie de rôles qui vous ouvre le champ de tous les possibles. Depuis, les propositions doivent-être nombreuses ?
Oui, je suis ravie que ce personnage m'ait portée dans ce sens là et les gens qui me connaissent savent que j'ai ce côté très viscéral. Il y aussi beaucoup d'humour dans cette pièce et j'ai toujours eu envie d'incarner des personnages avec de vrais potentiels comiques. Ce sont les personnages qui font les acteurs aussi ! Pour être bon comédien, il faut un bon projet, une bonne pièce, un bon metteur en scène… C'est là que se joue la carrière d'un acteur, on est aimé, jugé par rapport aux choix qu'on a faits. Ici, le projet réunit tous les critères et c'est ce qui est génial ! Et puis, ce personnage est tellement fou et tellement hors norme que pour une actrice c'est un cadeau extraordinaire. C'est vrai, depuis la Vénus, je reçois des propositions de personnages forts et conséquents dans différents registres, comme si cela avait donné des idées ou offert une perception différente de mes possibilités. Certains me découvrent...
Deux nominations aux César, un Ours d'or, le Prix Romy Schneider, Un Molière pour La Vénus à la Fourrure, il ne vous manque plus qu' un Oscar… Une carrière aux Etats-Unis ne vous a jamais tentée ?
Oui, à une époque j'avais un agent aux Etats-Unis mais je n'étais pas prête dans ma vie personnelle, je venais d'avoir mes enfants, j'étais une jeune maman...Il fallait renoncer à certaines choses ou en tout cas avoir la vie qui va avec et ce n'était pas mon souhait mais rien n'est jamais définitif alors Who knows, hein ! (rires)
En posant pour Lui et en jouant cette pièce vous cherchiez à démontrer quelque chose ?
Souvent l'inspiration qu'on a en nous suscite le désir chez d'autres personnes, donc c'est vrai que quand j'ai commencé à jouer la Vénus à la Fourrure on m'a proposé de faire ces photos dans Lui que j'avais refusées à une époque mais là l’idée me semblait totalement en phase avec mon projet théâtral. Je l’ai fait spontanément mais j'y ai quand même réfléchi, je ne voulais pas être enfermée dans un registre que je n'aurai pas choisi.
Les photos sont très belles, il n'y a pas de vulgarité !
Non, voilà, c'était quelque chose de ponctuel et je me suis dit : « Bon ça c'est fait ! » ( rires) maintenant on passe à autre chose. C'est certainement ce rôle de Vanda qui a motivé cette proposition. Il n'y avait rien de prémédité et je ne pense pas du tout, soudainement, incarner la femme de 40 ans dans toute sa splendeur qui veut prouver que les actrices de cet âge sont encore appétissantes... je m'en fous complètement !
Vous venez de filmer votre fille pour un spot contre le mariage forcé, vous pouvez nous en parler un peu ?
Je suis ambassadrice de l'association Plan Belgique, on essaie de sensibiliser le public et les futurs parrains ou marraines avec des actions très ciblées et là, en l'occurrence, il s'agissait
d'une campagne pour dénoncer les mariages précoces et forcés des enfants. On s'interrogeait sur un moyen de frapper fort afin de sensibiliser le public d'une façon un peu différente. Il faut faire attention à ne pas laisser les choses ronronner quand on est ambassadrice d'une association donc nous avons eu l'idée de ce scénario : une petite fille occidentale qui joue avec sa robe de mariée de façon extrêmement enfantine et puis, petit à petit, on réalise qu’en fait on la prépare pour son mariage. Bien sûr, on en a parlé longuement avec ma fille mais j'ai trouvé que c'était une belle manière d'éveiller sa conscience de future adulte sur ce sujet et de l'impliquer parce que justement elle a 11 ans et donc l'âge d'être « mariable » dans certains pays. En tant que femme et maman, j'ai trouvé que c'était le bon moment de lui transmettre quelque chose mais aussi de lui montrer que le métier d'actrice ne sert pas qu'à raconter de jolies histoires mais aussi à sensibiliser l'opinion sur des sujets forts.
Propos recueillis par Jérôme Gaillard
On retrouve Marie Gillain dans La Vénus à la Fourrure, le 9 décembre à 20h00 à la MCNN à Nevers (www.mcnn.fr)
Plan : www.planbelgique.be
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