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BRUNO PRADET, UNE ODE A LA RENCONTRE

  • magazinemagma
  • 5 janv. 2016
  • 4 min de lecture

"A la fin, on ne sait plus qui est danseur et qui est musicien"

En ce début de nouvelle année, il serait bon de reprendre nos bonnes habitudes. Celles que nous avons perdues ou laissées de côté, comme aller voir un concert, une pièce, un spectacle de danse... Car sortir, se divertir, aller à la rencontre... C’est rester vivant ! Bruno Pradet, chorégraphe et metteur en scène de l’Homme d’Habitude, nous invite à fêter la vie et l’accord parfait des corps qui se déhanchent au son de la musique rock. Les danseurs de la compagnie Vilcanota et les musiciens des Blérots de R.A.V.E.L forment une tribu débordante d’énergie, qui danse et qui chante. Un spectacle déconcertant qui entame sa quatrième saison sur les routes. Et puis, si Les Blérots de Ravel vous manquent depuis leur séparation en septembre dernier, allez les re-découvrir en live comme vous ne les avez jamais vus. Un spectacle à découvrir à toute hâte donc et c'est le 15 janvier, au Cèdre, à Chenôve, en ouverture du festival Art Danse.

Entretien avec Bruno Pradet, chef de la tribu.

Comment ce projet mêlant musique et danse sous forme de concert-dansé live est-il né ?

Il y a six ans, Les Blérots de R.A.V.E.L m’ont appelé pour mettre en scène une de leur chanson. Au cours de cette collaboration, nous nous sommes très bien entendus. L’idée de porter une création ensemble est née de cette rencontre. Je voulais interroger le mouvement avec des musiciens mais pas sous forme de concert avec des danseurs qui font les Claudettes derrière. Non, je voulais montrer des êtres humains dansants et musiquants créant une véritable tribu. Dans mon spectacle, les musiciens et les danseurs sont avant tout des acteurs.

Votre collaboration avec Les Blérots de R.A.V.E.L vous a-t-elle apparu comme évidente ?

Ce n’était pas tant les paroles qui m’intéressaient mais plutôt le fait de travailler en live avec des musiciens. Je voulais quelque chose de plus rock que ce qu’ils faisaient. J’ai donc bousculé un peu leur répertoire ainsi que les danseurs de la Compagnie Vilcanota. Plus de la moitié des musiques sont des créations pures pour le spectacle. Mais quelques-unes ont été reprises de leur répertoire car nous avions peu d’argent et de temps. J’ai aussi ôté pas mal de paroles pour laisser plus de place à l’imaginaire. Ce n’était pas difficile de mettre Les Blérots de R.A.V.E.L en scène, car ils sont habitués à beaucoup bouger et à se déplacer pendant leurs concerts.

Pourquoi ce titre L’Homme d’Habitude ? Quelle histoire nous racontez-vous à travers cette mise en scène magistrale ?

Il ne faut pas chercher une histoire dans ce spectacle, c’est concret et abstrait à la fois. C’est un spectacle onirique, parfois absurde, sans qu’il y ait particulièrement de fil narratif pour ne pas s’enfermer dans une histoire. C’est touchant, bouleversant, mais pas ésotérique. Au début, je voulais appeler le spectacle « Gomme d’habitude » avec l’idée de rompre avec les habitudes. Et plus on travaillait, moins on aimait ce titre. Et un jour, « l’Homme d’Habitude » est ressorti avec cette évidence que l’on parlait aussi de l’être humain. Il y a quelque chose de mystérieux dans ce titre, les interprétations sont multiples. Ça ouvre la voie des possibles. Le spectacle nous fait traverser plusieurs types d’émotions. Une tribu de personnes arpente le plateau, on ne sait pas où elles vont, ce qu’elles font. Et puis, il va se passer des choses entre ces personnes. Il peut y avoir beaucoup d’épaisseur dans un spectacle sans psychologie lourde. Le message, s’il y en a un, c’est que l’on peut faire des choses ensemble sans se foutre sur la gueule !

Concernant la forme, c’est l’amour entre la danse et la musique qui nous est raconté d’une certaine façon ?

Oui ! C’est une déclaration d’amour entre la musique et la danse. Les équipes sont mutuellement tombées amoureuses. L' ambiance est excellente et cette histoire d’amour s’est produite entre les personnes d’abord qui s'accordent parfaitement. Il n’y a pas besoin d’histoire pour raconter cela, c’est de l’énergie et du bonheur avant tout. Ce n’est pas un spectacle intellectuel. Le plus étonnant, ce sont les gens qui me disent : « A la fin, on ne sait plus qui est danseur et qui est musicien », pourtant les rôles sont très respectés.

Est-ce que la musique en concert live est un moyen d’emmener le spectateur vers l’art de la danse comme une main tendue aux plus réticents ?

Le résultat est effectivement celui là, mais ce n’était pas calculé. Ce n’était pas un moyen, mais ça s’est produit. De nombreux spectateurs sortent en disant qu’ils ne savaient pas que la danse ressemblait à ça. Je suis adepte de la danse contemporaine populaire. Elle est diverse mais, à mon sens, elle reste trop élitiste. Je suis ravie de voir les gens bouleversés et ce n’est pas infamant de toucher les gens sans qu’ils se posent dix-milliards de questions. La seule prétention que l’on a, c’est que sur les 20.000 spectateurs que nous avons depuis le début, ça a plu à 19.000.

Plus que jamais, mêler musique et chant, mettre en valeur l’expression des corps, est un hymne à la vie et à la liberté. Voyez-vous dans votre spectacle un certain écho à l’actualité ? Vous sentez-vous encore plus engagé et valorisé dans votre travail d’artiste ?

Depuis les attentats, on a décidé de ne plus parler des intermittents en début de spectacle car nous avons estimé que ce n’était pas décent… Je suis très critique sur le milieu de la danse dans lequel il y a un sectarisme très fort. Il faut arrêter ce phénomène dans les milieux culturels en général. On voit bien qu’il y a un problème quand, dans les salles de spectacles, il y a peu voire pas, de mélange social. Il est là l’échec culturel. L’exclusion commence là. On n’a pas été foutu, depuis trente ans, d’ouvrir la culture aux quartiers. On a joué la semaine après les attentats, il y avait beaucoup d’yeux rouges, car le spectacle est un hymne à la vie et au faire ensemble. Mon plus beau souvenir de spectacle, c’est la toute première représentation en banlieue parisienne devant 450 mômes blacks, blancs, beurs. De 7 à 18 ans, tout ce mélange, c’était génial !

Propos recueillis par Cynthia Benziane

Pour plus d'info : www.compagnie-vilcanota.fr

On retrouve Bruno Pradet et la Cie Vilcanota le 15 janvier, au Cèdre, à Chenôve (21) dans le cadre du festival Art Danse : www.art-danse.org

 
 
 

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