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HUBERT FELIX THIEFAINE, LE FACTEUR CHEVAL DE LA CHANSON

  • magazinemagma
  • 4 mars 2016
  • 6 min de lecture

Thiéfaine est un artiste à part qui s'est tracé une route loin des influences et des modes. Longtemps éloigné des grands médias mais porté depuis toujours par la ferveur de son public, il alimente régulièrement sa discographie en signant des albums ambitieux et exigeants. Très prolixe pour parler de littérature, il l'est bien moins dans l'évocation de ses propres textes qu'il préfère laisser à l'interprétation de son public partageant ainsi avec lui sa part d'ombre. Plutôt que de la chanson « fast-food », Thiéfaine, lui, réveille l'intelligence.

Rencontre avec l'un des derniers grands de la chanson française…

11 ans après votre denière interview dans Magma, c'est le moment de faire le point ! Nous en étions restés à votre difficulté avec les médias. Ces dernières années vous avez sorti Suppléments de mensonge (2011) et Stratégie de l'Inespoir (2014), deux albums plébiscités pas les médias...

Ce n'est pas si violent que ça ! C'est vrai que j'ai fait autant de télévision ces deux dernières années qu'en trente ans mais c'est du en grande partie aux Victoires de la Musique (NDLR : deux Victoires pour HFT en 2012 : meilleur artiste masculin et meilleur album de chanson). Niveau radio, France Inter reste fidèle depuis 30 ans. D'autres s'y sont mises peu à peu mais c'est essentiellement la PQR (presse quotidienne régionale) et quelques titres de presse nationale qui m'ont toujours suivis. Pour moi, c'est plus important d'avoir un public qui me suit depuis 35 ans que d'avoir été ou non médiatisé.

J'ai vu qu'une résidence portera votre nom à Troyes, à partir du 1er mars : la résidence Hubert Félix Thiéfaine. C'est plutôt chouette de rendre hommage au vivant !

Ils sont en train de casser des barres et des tours qui transformaient les banlieues en ghettos, pour humaniser de nouveau ces territoires. C'est donc tout un quartier qui est réaménagé et chaque résidence porte le nom d'un artiste ou d'un sportif contemporain et vivant ! J’ai vécu en HLM, dans un quartier où les HLM étaient des maisons doubles (2 familles par maison) avec garage et jardin, c'était très chaleureux et je cautionne totalement ce projet puisque Troyes essaie de recréer cette convivialité.

Vous évoquez la banlieue d'ailleurs dans Défloration 13...

Oui, avec Quand la Banlieue descendra sur la ville parce que ce serait cohérent d'autant plus que j'ai vu la façon dont ils ont chassé les gens des centres villes pour que la bourgeoisie puissent s'y répandre. Quand je faisais du cabaret, rue Mouffetard, à Paris, les autorités ont déplacé les petits vieux en banlieue où en général ils mouraient dans les six mois… On les enlevait de leur quartier, ils n'avaient plus aucun repère. On les a virés parce qu’ ils ne payaient que 60 Francs par mois de loyer et qu' après avoir gardé les façades mais abattus tout ce qu'il y avait derrière on a refait des appart. à… 6000 Francs, cette fois ! Et là, on n’était que dans les années 70 !

Après un Burn out en 2008 et 3 mois d'hospitalisation vous commettez donc ces deux superbes albums…

J'étais dans l'inconnu total et il m'a fallu beaucoup de temps pour remonter. Peut- être que j'ai eu besoin qu'on s'occupe de moi dans le milieu hospitalier et puis qu'on me donne ces deux années de convalescence pour me remettre d’aplomb totalement. Sans doute que le fait de retrouver une santé et un psychisme un peu rajeuni m'a aidé à mieux écrire, à mieux composer, à mieux chanter… Comme j'étais incapable de m'arrêter tout seul, l’inconscient a dicté la ligne à suivre

Le monde d'aujourd'hui ressemble-t-il à celui que vous aviez imaginé au siècle dernier ?

J'ai été bercé depuis tout petit comme beaucoup de gens de ma génération par la religion catholique mais vers 16 ou 17 ans j'ai commencé à me révolter et à penser : « qu'est ce que c'est que toutes ces conneries?! »… Au final, j'avais envie de casser la gueule à dieu ! Bref, j'ai du me révolter contre cette image qu'on m'avait donnée, j'ai du me débarrasser ensuite du mouvement hippie, du mouvement étudiant de 68… Il y a de nombreux combats à mener pour se débarrasser de toutes les influences, j'ai même du me débarrasser de l'influence de Léo Ferré pour m'appeler Thiéfaine en tant qu'artiste… Aujourd’hui, j'ai ma propre identité et ma propre vérité … Quant au monde d'aujourd'hui, je n'y pensais pas car je n'avais pas l'idée de vivre longtemps. Mais je crois en ces petits détails qui peuvent changer les choses sinon on va droit dans la gueule du monstre ! Je crois à l'instinct de survie de l'homme en général, ça fait 7 milliards d'instincts et voilà, il peut se passer des choses. Ça ne va jamais tout droit et ça arrive comme accident de voiture… Boom, on n’a rien vu venir !

Dans l'une de vos chansons, Médiocratie, vous parlez de fraternité , de respect, d'humanité… La France a-t-elle perdu ses valeurs, selon vous ?

Je ne parle pas de la France mais du monde. Je remarque que nous sommes attirés par le bas mais ce n'est pas nouveau et c'est le monde tel qu'il est aujourd'hui, à tous les niveaux. Je préfère un Nietzsche qui me tire vers le haut, qui me demande de me dépasser, d'être tous les jours un peu meilleur plutôt qu'un... Hanouna... (rires)

Et puis, il y a Karanganda (Camp 99) et retour à Célingrad, une suite presque, dans laquelle vous critiquez le communisme. Vous vous sentez proche de Céline ?

Ce qui m'intéressait c'était de montrer qu'on condamne le nazisme (et heureusement d’ailleurs !), par contre on n'a pas condamné immédiatement les autres nazis qu'étaient les rouges. C'est ce que je dénonce sur scène et je cite un poète Polonais (NDLR : Józef Szczepański ) dans les ruines de Varsovie : “Nous t’attendons, peste rouge, pour nous délivrer de la peste brune.” . Mais cette peste rouge, moi je l'ai vue jusque dans les années 70, elle enthousiasmait quand même 25 % de Français et pas seulement… toute l’Europe était concernée ! Le vainqueur a toujours raison, alors si le vainqueur est Staline... Longtemps les gens ont été Staliniens sans le savoir mais ils soutenaient un mouvement qui avait tué encore plus de gens que le mouvement vaincu ! Alors oui, on pointe du doigt Céline alors pourquoi pas Aragon. On refuse de célébrer le 50ème anniversaire de la mort de Céline et en même temps on inaugure une place Aragon. C'est ça l'Histoire, il y a deux poids deux mesures ! Je ne peux pas dire que je suis proche de Céline, je n'étais pas né à cette époque, et je ne peux pas me mettre à la place de quiconque à cette période, par contre, j'ai lu Céline. Dans Féerie pour une autre fois, par exemple, il m’est arrivé de lire trois fois la page parce que je ne voulais pas en changer et je me disais « mais comment il fait, c'est tellement génial, tellement beau ! ». J'ai eu ce même problème avec Proust. Voilà, pour moi, c'est ça le génie ! N'oublions pas non plus que Céline a influencé des générations d'auteurs de la Beat Génération de Cavanna en passant par Audiard et bien plus largement. Je reconnais le génie de Céline et je n'y peux rien si Céline a été un salaud.

Il y a votre fils, Lucas, qui a travaillé sur cet album avec vous. C’est la relève, comme il y a eu le fils Dutronc, la fille Gainsbourg... ?

Chez les professions libérales et commerçantes, 42 % des enfants reprennent la profession des parents, chez les artistes ils sont 12 %… Mais la vérité sur sa présence c'est que j'ai un studio à la maison que je partage avec ses amis et lui. A un moment, au retour d’une tournée, j'ai demandé à Lucas qui manipule mieux les machines que moi, de m'enregistrer. On a fait En remontant le fleuve, Karanganda, Angélus, Toboggan… En gros, nous avons enregistré une dizaine de chansons. C'était un premier jet, une façon de mettre mes brouillons au propre. Ensuite, je suis parti en voyage et durant celui-ci j'ai reçu un dossier où Lucas m'envoyait En remontant le fleuve. Il avait enlevé ma guitare et l'avait remplacée par son arrangement que l'on retrouve sur l'album. Rien de prémédité là mais j'étais vraiment très intéressé par l'arrangement et ça collait complètement avec l'ambiance que j'avais envie d'entendre sur cette chanson. A partir de là, je lui ai dit bravo et l'ai encouragé à continuer. En accord avec ma maison de disque, nous lui avons donné carte blanche pour faire tous les arrangements de l'album et le co-réaliser avec Dominique Ledudal. Ce fut vraiment une bonne surprise et maintenant il est avec nous sur scène et on s’éclate !

JG

On retrouve HF Thiefaine en concert à Auxerre (Auxerrexpo) le 31 mars et le 1er avril à Dole (la Commanderie)

toutes les infos sut Thiefaine : www.thiefaine.com


 
 
 

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