L'IMPETUS EN PLEIN ÉLAN
- magazinemagma
- 3 mai 2016
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 sept. 2019

La 7ème édition de l'Impetus s'est tenue du 7 au 10 avril à Belfort, dans le Pays de Montbéliard et dans le Jura Suisse. L'Impetus n'est pas un énième festival sans âme accumulant une programmation générique avec des clones sur l'ensemble du territoire Français, non ! Son créneau : « Cultures et musiques divergentes ». Le S du mot « Cultures » importe : conférences, performances, projections, concerts allant de la musique contemporaine au death metal le plus brutal, en passant par le hip-hop le plus alternatif. Cette année, nouvelle exclusivité pour l'Impetus : le groupe slovène Laibach a posé ses valises à Audincourt le 9 avril, temps fort du festival. Laibach est quand même le seul groupe occidental à avoir fait une tournée en Corée du Nord. Morceaux choisis d'une journée de festival pas comme les autres.
Acte I : Impression
Découvrir l'univers de l'Impetus, ce n'est pas que se cantonner aux concerts. Depuis 7 ans, les arts visuels sont également au cœur de ce qui fait la (forte) personnalité du festival. Et, sauf pour la première édition, dont l'affiche consistait en une simple présentation du logo du festival, toute la partie graphique est l’œuvre d'un seul homme : Barbee. Il officie au sein du Studio Sauvage, basé dans la charmante zone industrielle et commerciale de la ville d'Etupes. Un cadre quasi-idéal pour produire les visuels à la fois sombres et flamboyants qui font le charme de l'Impetus. A son côté, Axelle Philipps aka Plume, qui travaille également pour le studio Sauvage, s'est chargée d'expliquer à un public venu nombreux les attraits de la technique de la sérigraphie. Les présents, âgés de 7 à 77 ans, ont pu repartir avec un T-shirt imprimé aux couleurs du festival : un mystérieux militaire façon XIXe siècle cornu, au visage squelettique, et dont la boîte crânienne s'ouvre pour dévoiler la griffe de Plume et Barbee : Sauvage.
Acte 2 : Explication
La médiathèque de Montbéliard a accueilli Amaury Cornut, conférencier pas comme les autres sur un artiste pas comme les autres : Moondog. De son vrai nom Louis Thomas Hardin, il est un compositeur américain méconnu qui a croisé la route de Janis Joplin, Philipp Glass, Steve Reich, Allan Ginsberg, William S. Burrough, etc. Il est mort en 1999. On peut aisément imaginer que la plupart des personnes présentes entendaient parler de Moondog pour la première fois, mais force a été de constater que les talents d'orateurs d'Amaury Cornut ont permis à tout un chacun de pouvoir sortir de la conférence en se disant : « Maintenant, je connais Moondog ! ».
Acte 3 : Explosion
Laibach était clairement la tête d'affiche de cette journée trépidante. Le groupe a été fondé au début des années 80 dans une Slovénie soviétique. Leur musique s'en ressent : rythmes industriels et martiaux, esthétique totalitaire, visuels vidéos avant-gardistes. Mais pas d'amalgame : Laibach a depuis longtemps fait la lumière sur son rejet du fascisme et le caractère purement artistique de leurs visuels. Le groupe a même signé une partie de la bande-son du film Iron Sky, qui met en scène un début de XXIe siècle dans lequel les nazis se seraient réfugiés en secret sur la face cachée de la Lune. Un film à voir. Ils incarnent presque à eux-seuls l'esprit de l'Impetus. Une vraie forme de divergence.
Laibach impressionne déjà le public du Moloco, à Audincourt, avant même de lancer la première note. Scénographie réduite, mouvements minimaux, et deux immenses écrans blancs sur lesquels ont été diffusées des vidéos parfois très étranges. Le groupe n'est pas encore sur scène qu'est déjà projetée une immense image de Kim-Il-Sung sur laquelle est inscrit « ils ne savent pas qu'il est déjà mort ». Le rapport à la tournée Nord-Coréenne effectuée par le groupe en août dernier est évident.
Laibach est un groupe de rock. Pourtant, aucune guitare n'est présente sur scène, seulement des synthétiseurs et une imposante batterie. D'ailleurs, toute la première partie du concert tient davantage de la musique contemporaine et sérielle que du Rock'n'Roll : grincements de cymbales, lignes de clavier chaotiques, chants dissonants. Le groupe étonne par la liberté prise avec l'étiquette « metal industriel » dont il est trop souvent prisonnier. Un début de set parfois difficile à appréhender, mais indispensable pour apprécier la suite des événements.
De manière presque inattendue, le concert s'arrête, et un message indique au public qu'il dispose de 10 minutes (compte-à-rebours à l'appui) pour prendre l'air, fumer une cigarette ou boire un verre. A l'heure fatidique, c'est un autre groupe qui monte sur scène : moins sombre, plus enclin à jouer des morceaux en forme d'hymnes pour masse, à l'image de sa reprise du classique d'Opus Live is Life. Un concentré des années 80. Le public, venu tout de même nombreux, est conquis.
Si Laibach n'avait exploré que l'une ou l'autre partie de son répertoire, son concert aurait été en demi-teinte. Après près de deux heures de live, c'est une expérience globale que l'ensemble des personnes présentes ont traversé.
Beaucoup se demandaient la raison de la présence d'une performance étrange dans les studios de répétition : deux hommes, en combinaison blanche, l'un dessine sur une immense fresque, l'autre s'exprime en geste, en mots, et surtout en sons. Quelques techniciens devenus fous retraitent tous les bruits qui viennent de la pièce (y compris celui du marqueur sur le papier!) avec des effets complètement fous. Avant Laibach, on regardait cette étrange performance avec des yeux incrédules. Mais une fois le concert des slovènes traversé, on se surprend à s'asseoir quelques minutes devant cette étrange scène et apprécier la trituration de cette phrase répétée en boucle pendant 20 minutes : « un jeudi, à la préfecture ». Cet atelier porte bien son nom : « Cartographie des lieux visités en rêve ».
Ce voyage d'une rare intensité s'achève, comme un chant du signe, sur les hymnes glauques et entraînants d'une Cold-Wave distillée par Ona Chrysis. Sous la casquette de cette djette, on reconnaît Plume, du studio Sauvage, qui aura décidément été le fil rouge de cette folle journée. HARD !
Martin Caye
Ils sont passés à l'Impetus
At-the-Drive In, Behemoth, Cult of Luna, the Ocean, La Gale, Jello Biafra (ex-Dead Kennedys), Mars Red Sky, Hint, Satyricon, Godflesh, Jessica93, Guillaume Perret & Electric Epic, Napalm Death, Stephen O'Malley (Sunn o))) ), Monkey 3, Oiseaux-Tempête, Scott Kelly (Neurosis), Amen Râ…
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