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MAËLLE POÉSY, UNE RÉVOLUTION BLANCHE !

  • magazinemagma
  • 3 mai 2016
  • 5 min de lecture

83 % de votes blancs ! C'est le postulat de départ de la nouvelle création de Maëlle Poésy et Kevin Keiss que vous aurez le bonheur de découvrir durant Théâtre en Mai, à Dijon ou à l'Espace des Arts, à Chalon-sur-Saône, ce printemps. Une pièce, dans la continuité de Candide, Si c'est ça le meilleur des mondes sur la question de l'accession à la lucidité, mais construite aussi sur la problématique du pouvoir en démocratie. Un spectacle fantastique qui finalement interroge notre capacité à agir sur le réel, mettant en évidence un certain optimisme social. Comment ne pas l'être d'ailleurs, lorsqu'on rencontre cette nouvelle génération du monde du théâtre, pleine d'humour et d'intelligence, à l'image de cette jeune metteuse en scène : Maëlle Poésy.

Maëlle, vous devenez une habituée de Théâtre en Mai et nous en sommes vraiment ravis ! Cette année, comme vous le savez, Maguy Marin parraine le festival, on dit d'elle qu'elle est une artiste révoltée et résistante. Avec Ceux qui errent ne se trompent pas, vous inscrivez-vous dans sa lignée ?

J'essaie de creuser quelque chose qui était déjà amorcé dans les précédents spectacles : le questionnement d'un individu par rapport à la société et par rapport au fonctionnement du groupe. Et comment, en suivant le parcours de quelqu'un qui est confronté à des prises de décisions liées à des prises de conscience, on peut transmettre ce type de questions aux spectateurs ou en tous cas les partager avec eux ! Je ne sais pas si c'est de la résistance, peut-être une de ses formes...

De Candide, Si c'est ça le meilleur des mondes... à Ceux qui errent ne se trompent pas… C'est la même question finalement mais une en direction de l'individu, l'autre vers le collectif…

Oui, c'est aussi la question du basculement … Comment on passe de l'aveuglement à la lucidité entre autre, puisque Ceux qui errent... s'inspire librement de La Lucidité de l'auteur Portugais, José Luis Saramago. Quels sont les moteurs, les rencontres, les actions ou les événements, les plus minimes soient-ils dans la vie privée ou dans la vie publique, qui font qu'à un moment donné on se positionne.

L'écriture de cette pièce était-elle, pour Kevin Keiss et vous, plus une réaction à l'actualité qu'à un système ? Ou les deux…

En ce qui me concerne, j'avais envie de parler de la démocratie depuis longtemps et d'interroger cette notion là, et à plus forte raison aujourd'hui, avec le contexte mondial. Après la lecture de la Lucidité, le vote blanc s'est révélé comme un prétexte pour parler d'une crise démocratique plus globale. En la poussant, comme ça, à son paroxysme dans une situation fantastique, cela nous permet d'interroger des fonctionnements de société qui sont peut-être des choses qu'on ne souhaite plus, qu’on ne veut pas interroger et de questionner justement cet aveuglement par rapport à ces questions qui sont fondamentales dans nos sociétés. Le fantastique ou le réalisme magique qu'on a déjà utilisés dans Candide, permettent d'avoir un autre point de vue, un autre regard sur des choses qui nous apparaissent acquises.

Existe-t-il dans l'écriture, des références à des événements politiques récents ou le spectre de la pièce est-il plus large et tourné davantage sur notre mode de représentativité ?

L'écriture évolue, il y a un temps en amont de la création avec Kevin où on travaille le synopsis de la pièce et aussi un vrai temps d'écriture des scènes pour lui. A partir de cette première version, quand je commence le travail avec les comédiens, apparaît pour moi, un autre pan de l'écriture, celui du travail de plateau qui va alimenter et reformuler des choses dans la pièce. Le travail d'écriture ne se termine vraiment que le jour de la première ! Il n' y a pas de référence à l'actualité dans la composition du spectacle, c'est plus une réflexion globale sur la question du pouvoir, du bien public, sur la relation entre le citoyen et ses représentants… Et sur les raisons d’une telle difficulté à poser ce genre de questions aujourd'hui. C'est vraiment un travail de fiction, pas une chronique sur la vie politique actuelle… Mais, bizarrement c'est plus l'inverse qui se produit, on écrit des choses en lien avec le livre de Saramago et la réalité nous rattrape quelquefois comme le dispositif sur les états d'exception, l'état d'urgence… C'est une sacrée surprise quand ça arrive !

Quels ressorts avez-vous choisi pour cette mise en scène ? On parle de « Mer de papiers blancs » dans le dossier de présentation de votre pièce. On est dans l'imagerie biblique, le déluge… ?

Oui, l'idée c'était d'avoir un vrai parallèle entre un événement climatique incroyable et un événement de société tout aussi incroyable. Pour moi, le rapport entre la crise écologique et la crise démocratique est un peu le même. On ne veut pas voir et on attend d'être dans le mur pour commencer à se questionner ou se positionner. La métaphore du déluge avec tout ce que cela comporte comme mythologie biblique était intéressante à traiter comme une espèce de bouleversement global de société auquel on est confronté et qui pousse les choses tellement loin qu'on est obligé de bouger, de se repositionner. C'est ce point de rupture que j'avais envie de développer dans le spectacle. Ce n'est pas tant les causes ou les conséquences, c'est vraiment le moment de basculement.

Aura- t-on droit à une mise en scène aussi folle et effrénée que celle de Candide ?

C'est vrai que je suis une obsessionnelle du rythme et du travail du corps dans l'espace et de la précision qu'on peut avoir avec cela. Les corps racontent l’histoire autrement qu'avec des mots. C'était présent dans Candide et je continue de l'explorer dans ce spectacle. La question du tourbillon, de personnages pris dans des situations extrêmes, je crois que c'est ce qui nous plaît en fait ! (rires)

Dans ce spectacle, ils vivent une forme de cauchemar, donc il est probable que la scénographie tourbillonnera (rires)

La danse est donc un élément important de vos mises en scènes ?

Le sens de la partition physique est aussi important à travailler que la partition de la pensée ou de la langue. Ces éléments là sont très complémentaires pour raconter quelque chose dans mon travail. J'ai l'impression que cela apporte des abîmes plus grands que le langage. Pour cela, on travaille sur l'énergie des personnages, sur leur silhouette, leur comportement physique qui traduisent forcément des choses de l'ordre de la psychologie ou de l'évolution de leur personnage par rapport à une situation. Les choses ne sont pas forcément dites et peuvent s'exprimer par une expression corporelle. Cela permet aussi d'avoir accès à la sensation intérieure du personnage qui peut être plus violente ou plus énorme qu’il n’aurait pu l'exprimer et y avoir accès ainsi, par le fait de petits flash fantastiques, est quelque chose que je trouve assez passionnant (rires), j'aimerais bien y avoir accès de temps en temps dans la vie chez les uns et chez les autres.

Vous allez avec cette pièce au festival d'Avignon, cet été. Vous avez mis en scène deux pièces au Studio de la Comédie-Française (L’Ours et Le Chant du cygne de Anton Tchekhov). On peut dire que 2016 est une belle année pour vous ?

(rires) Mais oui ! C'est surtout très concentré en termes de quantité de travail mais bien sûr c'est très positif parce que cela offre de belles visibilités du travail. Parmi vos projets on dit que vous allez vous attaquer à un opéra en 2017. Ce sera à Dijon également ?

(rires) Oui, oui, oui ! Oui ce sera à Dijon, en décembre et ce sera Orphée et Eurydice de Gluck…

Propos recueillis par Jérôme Gaillard

Ceux qui errent ne se trompent pas à Dijon dans le cadre du Festival Théâtre en Mai, les 21, 22 et 23 mai au Théâtre Mansart à Dijon et au Théâtre du Piccolo (Espace des Arts) à Chalon-sur-Saône les 10, 11 et 12 mai.

Plus d'info sur le festival ici : Théâtre en Mai


 
 
 

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