LAURENCE TERK, LIBERER LA CREATION FEMININE
- magazinemagma
- 6 mars 2017
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 sept. 2019
Tout a commencé un 8 mars autour de la journée internationale des droits de la femme. Laurence Terk, issue du monde la danse, prend la direction de la Scène Nationale de Mâcon et décide de rendre hommage à la création féminine en écho à cette journée. Au départ, il s'agit uniquement de danse mais rapidement cet événement cherche à embrasser d'autres expressions. Aussi, s'ouvre-t-il à la musique, au théâtre, aux arts du cirque… mais aussi à un nouveau questionnement…
Pour sa 6ème édition nous avons voulu savoir de quoi était fait ce festival.
Rencontre avec Laurence Terk, directrice du Théâtre de Mâcon et programmatrice du festival.

Laurence, le festival Drôles de Dames, qu'est ce que c'est ?
Les Drôles de Dames, ce n'est pas un événement sur la souffrance des femmes, sur le pathos… Non, c'est quelque chose qui a à dire sur la manière d'exister librement et donc parfois de se révolter contre l'ordre établi d'une manière militante mais « fun », qui peut « jouer aussi à la blonde » ! C'est cela mon axe principal, c'est un peu plus compliqué qu'un festival militant. Malheureusement, et de fait, on est quand même victime d'une forme d'inégalité de représentation sur les plateaux de tout ce qui est création quand le maître d'œuvre est féminin et cela se voit dans quasiment toutes les disciplines artistiques.
La femme est sous représentée dans la création artistique ?
Si je ne l’avais jamais constaté durant ma carrière dans le monde de la danse, je l'ai rapidement compris en montant une programmation pluridisciplinaire au Théâtre de Mâcon. En ouvrant ce festival « Drôles de Dames » à d'autres disciplines, je me suis rendu compte du fossé, l'offre de spectacles féminins était réduite et dès lors il était plus ardu de proposer un festival de la création féminine ! Pourtant je m'y suis attelée et c'est devenu pour moi une revendication. C'est après cela que le Ministère de la Culture a fait ses enquêtes sur le nombre de femmes qui dirigeait des théâtres, le nombre de femmes chef d'orchestre… Ces enquêtes ont corroboré mon intuition. Et aujourd'hui, dans la période de régression que nous vivons, j'ai du mal à retrouver cette parité qui était pourtant, auparavant, naturelle dans la danse. Il y a plus d’hommes, aujourd’hui, directeurs de Centre Chorégraphique, qu'auparavant.
Drôles de Dames est donc né de l'idée d'offrir un temps où la représentativité de la femme serait plus importante que sur le reste de la saison ?
Oui, mais aussi avec l'idée très pragmatique (parce que nous sommes un grand théâtre mais avec un petit budget!) que nous n'avons pas les moyens d'organiser un festival en tant que tel et de faire une programmation thématique sur un mois. Ce qu'on appelle maintenant « Mars le Mois des Drôles de Dames » est comme un festival mais il n'en mobilise pas les ressources habituelles. Il reste dans la saison et pour l'essentiel au Théâtre mais arrive néanmoins à mobiliser le public sur un temps donné et sur la couleur de la création féminine.
Ce festival qui réaffirme la place de la femme dans le monde du spectacle a-t-il une dimension plus large ?
Oui, bien sûr ! Cette dimension vient de ma pratique même de directrice ! J'ai constaté pour la première fois de ma vie que je n'étais pas considérée à l'égal d'un homme à ce poste et ce dans de multiples relations. J'ai vécu cette différence sans aucun pleurnichage mais avec un étonnement et un ahurissement devant la vieillesse de certains comportements. On m'appelle encore quelquefois Madame le Directeur , alors qu'on a féminisé les titres depuis 1986 ! C'est une forme de refus de l'évolution et de la femme au pouvoir. Ces pratiques n'aident pas au changement des mentalités. Mais ce festival n'est pas une dénonciation des injustices ou des violences faites aux femmes, c'est surtout la manière dont, exerçant notre liberté artistique, on dépasse les injustices et on s'affirme en tant que créatrice d'où le nom de ce festival ! Certains ont pris cet événement comme quelque chose de très militant et très féministe en refusant de voir le mot « Drôles ». Bien sûr c'est sérieux mais c'est surtout vivant ! Quand on voit Balasko dans la Femme Rompue, ce n'est pas pour faire pleurer dans les chaumières mais bien pour susciter une attirance/répulsion.
Un des spectacles présentés interroge sur le fait d'être mère. Etre femme et mère est-ce compatible ?
C'est parfaitement compatible… ou pas ! Au sens où on peut décider, comme Simone de Beauvoir, de na pas vouloir d'enfant. Dans ce spectacle, C'est un peu compliqué d'être à l'origine du monde, ce qui est important c'est de voir que quelqu'un qui va avoir un enfant change tout de suite de statut pour l'ensemble de son entourage. Quand on va avoir un enfant on flippe, femme ou homme c'est pareil ! On va devenir parent, on va donner la vie, ça veut dire qu'on va devenir adulte et qu'on aura la responsabilité d'un enfant. Pour les futures mères, il y aussi, c'est vrai, tout le rapport au corps, les vergetures, la prise de poids… Ca se complique aussi du point de vue du critère de beauté féminine et sur ce changement de statut. On devient la maman doudou mais on est aussi et toujours un sujet sexuel et pas un objet ! .
Dans la programmation cette année nous avons du Simone de Beauvoir, du Virginia Wolf… qu'est ce qu'il ne faut surtout pas manquer ?
Tout est bien !!! (rires). Non,vraiment mon cœur balance entre Balasko, un moment théâtral très fort, Ottof et ces danseuses marocaines… Mais aussi Rouge avec Nora Kriev, une chanteuse sublime qui a un répertoire de chansons révolutionnaires et puis Nathalie Pernette avec un solo qui s'appelle l'Homme Nouveau, une sorte de clin d'œil à Aragon : la Femme est l'avenir de l'Homme.
Justement, quel serait le monde idéal pour une femme ?
Le même que pour un homme, un monde idéal !
Propos recueillis par Jérôme Gaillard
Pour en savoir plus : www.theatre-macon.com
Комментарии