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ÉTIENNE MINOUNGOU D'UN RING À L'AUTRE

  • magazinemagma
  • 30 avr. 2018
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 sept. 2019


Théâtre en Mai sera également l'occasion de découvrir la performance d’Étienne Minoungou : l'Homme est trop beau pour qu'on le néglige. Un triptyque sous forme de monologues où le comédien burkinabé met en lumière la pensée de trois grands poètes : Aimé Césaire, Sony Labou Tansi et Dieudonné Niangouna. Trois oeuvres donc, comme un trait d'union, une filiation de la pensée noire, de la négritude à la peur joyeuse. Rencontre avec Étienne Minoungou, pour qui la scène est un ring.

Vous allez jouer trois pièces en trois jours durant Théâtre en Mai : Cahier d'un retour au pays natal, M'appelle Mohamed Ali et Si nous voulons vivre. C'est une véritable performance ! Comment s'y prépare t-on ?

Je me prépare physiquement parce que c'est tout d'abord un défi physique. C'est aussi les répétitions, la remise en ordre des trois pièces. Et puis c'est surtout une préparation mentale pour rencontrer le public. C'est pour moi un itinéraire complet entre trois textes différents, trois auteurs différents, trois époques différentes.

C'est aussi trois metteurs en scène différents ?

Les trois metteurs en scènes sont des compagnonnages, ce qui m'intéresse ici c'est le processus de recherche. Chacun a été un compagnon sur le regard de ce qui était en train d'être travailler.

Quel est le dénominateur commun entre ces trois pièces ?

C'est le titre que j'ai donné au triptyque L'Homme est trop beau pour qu'on le néglige. Chacun des ces auteurs parle de la beauté de l'Homme, de la vie. Le trait commun de ces trois là, c'est une vraie profération, une vraie incandescence sur la condition humaine.

Les trois pièces sont issus respectivement de textes d'Aimé Césaire, Sony Labou Tansi et Dieudonné Niangouna, trois grands auteurs noirs. Pourquoi ce trio ?

D'abord ce sont évidemment trois grands poètes. C'est aussi une filiation politique entre les trois : Césaire le grand-père, Sony le père et Dieudonné le fils. Ce sont trois paroles qui dans le temps ont cette parenté au niveau de la langue, de l'incandescence, de la créativité, de la parole, de l'invention. Ce sont des poètes qui ont leur façon d'écrire, leurs propres mots. Mais ce sont aussi des poètes de la périphérie, ce n'est pas une parole occidentale. Depuis ces espaces marginaux, il y a une parole forte qui se veut être la parole du centre du monde. C'est ça qui est assez remarquable.

Concernant Sony Labou Tansi, quel est son impact sur la culture africaine ?

À la faveur de la célébration des 20 ans de sa disparition en 2015 à la fois en Europe et sur le continent, Sony est redevenu l'auteur majeur parmi les auteurs contemporains sur le continent. Il est à la mode comme on dit. Son influence est assez considérable sur les dramaturgies d'aujourd'hui. On remonte beaucoup de ses textes. On explore beaucoup de ses textes. Il faut encore attendre de voir dans les prochaines années quelle va être la part d'influence de Sony sur les auteurs d'aujourd'hui. Il y a une histoire en cours visible dans les festivals, dans les théâtres, on s'en inspire. Quand on parle de Sony Labou Tansi, on évoque le concept de « peur joyeuse ». De quoi s'agit-il ? Sony dit : « J'écris pour qu'il fasse peur en moi. » C'est à dire que c'est une manière d'éveiller la lucidité.

Aujourd’hui, la peur c'est le courage finalement.Rappeler que si l'Homme ne se redresse pas, si l'amour ne triomphe pas, la vie va disparaître. Cet avertissement permanent chez Sony, c'est sa peur joyeuse.Ce n'est pas une peur triste, pas un découragement mais une invitation au surgissement... Toute son écriture est tendue vers ça.

Un poète lanceur d'alerte en quelque sorte ?

Tout à fait ! Moi je l'appelais l'avertisseur.Chacune des ses phrases est un avertissement. On a l'impression que certaines choses ont déjà eu lieu. Je crois que finalement c'est le rôle du poète. C'est celui qui tient la lampe, qui ouvre le chemin, et qui prévient des dangers à venir.

Parlons de M’appelle Mohamed Ali, l’oeuvre du dramaturge contemporain Dieudonné Niangouna. Vous y incarnez le boxeur avec une troublante ressemblance.Pourquoi jouer ce rôle ?

Depuis mon adolescence, on m'a toujours interpellé dans rue en tant que Cassius Clay, Mohamed Ali. Je me suis dit, si je ne le joue pas au cinéma, je pourrais l'avoir au théâtre. Pour Dieudonné Niangouna, même s'il a écrit cette pièce pour moi, c'est une figure qui l'a toujours intéressé. Parce qu'évidemment, c'est une figure très forte,presque théâtrale, et dans nos contextes de luttes pour le développement du théâtre (NDLR : Étienne Minoungou à Ouagadougou et Dieudonné Niangouna à Brazzaville), la figure d' Ali semblait très proche de nos combats à nous.Prendre le ring comme allégorie de la scène et vice versa. Voilà ce qui était excitant aussi bien pour lui que pour moi.Et puis, faire du théâtre en Afrique, ce n'est pas évident. C'est comme aller au ring avec des adversaires innombrables.Faire émerger une parole qui puisse être partagée est un combat de tous les jours. Cela demande aussi de l'entraînement, de la tactique comme en boxe. Au-delà de cette allégorie, Ali incarne la boxe dans son aspect le plus noble et le plus poétique. Ali a utilisé le ring comme un espace de prise de parole politique. Il a utilisé son art de boxer comme étant une forme de résistance. Le théâtre est notre ring, notre espace de contestation politique pour défendre les libertés, pour défendre l'élargissement des espaces démocratiques. En Afrique ils sont en construction. Notre Théâtre est forcément un théâtre politique car on doit se battre à la fois contre les contraintes économiques et politiques, pas seulement sur l'art mais pour la populations entière, sur la jeunesse, les femmes, etc.

La politique est-elle une composante indispensable au théâtre africain ?

Bien sûr et pas qu'en Afrique et dès la Grèce Antique ! Le théâtre est un acte politique. C'est la prise de parole. En Afrique c'est davantage le cas car les espaces de parole sont moins ouverts, moins autorisés. Le théâtre est politique dans le sens où il concerne le plus grand nombre, la participation, la fabrication d'une intelligence collective.

Pour réserver : http://www.tdb-cdn.com

L'HOMME EST TROP BEAU POUR QU'ON LE NÉGLIGE Triptyque Étienne Minoungou

Théâtre des Feuillants / DIJON • CAHIER D’UN RETOUR AU PAYS NATAL Vendredi 1er juin à 21h00 • M’APPELLE MOHAMED ALI Samedi 2 juin à 21h00 • SI NOUS VOULONS VIVRE Dimanche 3 juin à 18h30

POUR EN SAVOIR PLUS : WWW.CHARGEDURHINOCEROS.BE

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